Cet édifice réussit l’indispensable, et pourtant trop rare, union entre architecture et durabilité. Ici, les deux concepts ne font qu’un. La clé de cette fusion particulièrement heureuse : la globalité de l’approche. Olivier Delhaye signe, à travers sa propre maison, un bâtiment manifeste. Durable dans son essence. Les techniques à hauts rendements énergétiques ne sont pas greffées sur une architecture préconçue. Tous les paramètres sont issus d’un travail global dont le ton est avant tout donné par la rationalité spatiale. C’est autour d’elle que le projet s’est orchestré.
Parmi les éléments forts, le terrain boisé, très en pente et à front de rue, et le programme comprenant une habitation, un atelier d’architecte et un cabinet médical. De la déclivité du terrain découlent l’implantation et la forme de la bâtisse : l’architecte s’est basé sur le point le plus bas de la pente sans trop émerger du paysage et en favorisant l’horizontalité des volumes. Cela donne un seul niveau côté rue, très discret et deux, dont un partiellement enterré, côté jardin. Déboiser un minimum constituait également un paramètre important. Le programme justifie la répartition des espaces en deux volumes distincts, la partie professionnelle en rapport avec la rue, et la partie privée en retrait. Cette dernière est protégée de l’espace public par un étonnant mur en béton imitant le schiste (brevet belge) qui constitue un élément fort de la composition architecturale dont il rythme les volumes et ponctue l’espace.
L’architecte a prioritairement travaillé sur une rationalisation spatiale optimale (en s’inspirant notamment de la conception des bateaux). Celle-ci se traduit par l’élimination de toutes les zones « inutiles », notamment les aires de circulation, et en combinant plusieurs fonctions au sein d’un même espace. Ce sont près de 175 m2 qui ont été économisés de cette manière ! Le travail est tel que domine une incroyable impression d’espace alors qu’en réalité, les volumes ne sont pas grands. La poésie et la magie se combinent avec la rationalité pour créer une architecture à échelle humaine : physiquement et fonctionnellement adaptée et offrant à l’esprit l’impression d’infini nécessaire au bien-être et au rêve. Les espaces s’interpénètrent permettant autant d’échappées visuelles. Les ouvertures répondent aux mêmes principes et permettent de se projeter dans les parties les plus belles du paysage. Certaines se justifient uniquement par leur apport de lumière jouant toujours avec des orientations offrant un éclairage changeant et subtil. Les baies sont vastes, l’architecte ayant pour philosophie de ne pas construire des murs pour les « percer » ensuite.
La flexibilité des espaces est un autre élément majeur de ce projet. Elle participe à la durabilité de l’architecture et permet avec peu de moyens et d’efforts d’adapter l’édifice en fonction de l’évolution des besoins. Afin de rendre cela possible, Olivier Delhaye a travaillé avec une structure enveloppante. Seuls les murs extérieurs sont porteurs. L’espace intérieur est modulé par des structures en bois facilement modifiables et de nombreux « faux » murs (meubles coulissants). Il s’est inspiré de l’architecture des vraies fermes brabançonnes aux murs extérieurs épais jouant à la fois leur rôle de soutien mais aussi de protection contre le climat. On retrouve les mêmes principes constructifs dans l’architecture traditionnelle japonaise avec laquelle l’architecte partage le goût pour le cheminement, la progression naturelle de l’espace publique vers l’espace privé. Les trois entrées menant respectivement aux espaces professionnels et privés sont traitées de manière très différente. La partie privée se dévoile peu à peu, en progressant derrière le mur extérieur, le long d’un bassin d’eau (citerne de récupération des eaux pluviales) et d’un olivier. Rien dans cette architecture n’est gratuit, chaque élément cumule plusieurs fonctions, dans ce cas pratique, esthétique et symbolique.
Auteure – Anne Norman